Par Olivier Grondin, délégué du SÉTUE
Dernièrement, la Commission des études de l’UQAM acceptait le rapport final du groupe de travail sur l’éducation inclusive. Ce rapport soumet une série de recommandations qui visent à favoriser l’intégration et la progression des étudiant-e-s en situation de handicap (ESH) au sein de l’université. Bien que le rapport offre des pistes de réflexion et d’amélioration pertinentes afin de tendre vers une université qui soit plus inclusive, il passe sous silence une réalité pourtant importante des ESH: il n’existe pas, à notre connaissance, de programme uqamien qui permettent de prendre en compte les besoins particuliers des ESH lorsqu’ils et elles sont employé-e-s étudiant-e-s. Pourtant, la Charte québécoise des droits et libertés ainsi que la convention collective qui lie le SÉTUE à l’UQAM prévoient l’interdiction de discrimination en fonction d’un handicap ou d’un moyen visant à pallier ce handicap.
Cet article vise à entamer une réflexion collective sur ce silence et à ouvrir des pistes de réflexion afin de permettre la création de solutions adaptées et adéquates.
La population d’ESH à l’UQAM: constance et changement
La présence d’ESH dans les universités au Québec n’est pas particulièrement nouvelle. À preuve, la politique de l’UQAM qui vise à permettre l’accueil et le soutien des ESH fêtait ses 30 ans en juin dernier. Cependant, depuis quelques années, on constate une augmentation importante de ce groupe dans la population étudiante générale. À l’UQAM, le nombre d’ESH bénéficiant de mesures d’adaptation est passé de 520 personnes en 2010 à 1514 personnes en 2015. Par-delà l’augmentation quantitative, une mutation qualitative s’opère également. En effet, pour la même période, la proportion d’ESH affecté-e-s par un trouble d’apprentissage, d’attention ou de santé mentale est passée de 38% à 78%. On qualifie généralement cette catégorie de handicaps comme « invisible » puisqu’elle peut aisément passer inaperçue.
Contrairement à ce que certains discours avancent, l’augmentation de la population ESH n’est pas seulement le fait d’une propension à la surmédicalisation et au surdiagnostic des troubles d’apprentissage et autres formes de handicaps invisibles (bien que l’augmentation des diagnostics et des prescriptions soient une réalité). En effet, les études comparatives démontrent que même dans les pays où les diagnostics sont moins nombreux et plus tardifs, entre 12 et 18% de la population adulte est affectée par au moins une situation de handicap. Cependant, c’est dans les sociétés où les mesures d’adaptations et les diagnostics sont effectués plus tôt que l’on constate la plus grande présence d’ESH dans la population universitaire. Deux principaux facteurs semblent expliquer cette situation: d’une part, l’augmentation des mesures d’adaptation dans les écoles primaires et secondaires, d’autre part, l’évolution des savoirs permettant un diagnostic et une prise en charge plus rapide.
Malgré le progrès des dernières années, il demeure qu’avec 3.6% d’ESH pour une population estimée à près de 15%, l’université s’avère un milieu particulièrement hostile aux ESH. Pourtant, les études suggèrent que lorsque des mesures adéquates sont mises en place, la situation de handicap n’a pas d’influence (positive ou négative) sur les performances académiques.
Les moyens visant à pallier un handicap
Il y a plusieurs types de mesure d’adaptation et il n’existe aucune solution applicable uniformément à tous et toutes. Une personne malvoyante pourra avoir besoin d’un écran permettant de grossir les caractères alors qu’une personne affectée par un déficit de l’attention nécessitera possiblement d’avoir un plan de travail adapté à sa situation propre. De plus, pour de nombreuses personnes, il est nécessaire d’avoir plus de temps pour accomplir certaines tâches. Nous ne ferons pas une liste exhaustive des mesures envisageables, il importe cependant de comprendre qu’elles sont nombreuses.
Pour sa part, l’UQAM reconnait que ces mesures sont des moyens visant à pallier des handicaps. C’est d’ailleurs au service d’accueil et de soutien aux ESH (SASESH) qu’appartient la responsabilité de la mise en oeuvre de ces mesures. Or, si le SASESH accomplit un travail nécessaire afin d’accompagner les ESH, il n’existe pourtant aucun service similaire responsable de ces adaptions pour les étudiant-e-s en tant qu’ employé-e-s.
L’inadéquation des programmes gouvernementaux
Il existe un certain nombre de programmes gouvernementaux visant à permettre l’intégration des personnes en situation de handicap sur le marché du travail. Ces programmes permettent de couvrir les frais de l’employeur rattachés à l’adaptation du lieu de travail aux besoins de la personne et offrent possiblement un programme de compensations pour les possibles pertes de productivité.
Si ces programmes aident grandement l’intégration des personnes en situation de handicap dans le travail, il n’en demeure pas moins qu’ils ne sont pas adéquats pour la réalité des employé-e-s étudiant-e-s. En premier lieu, ces programmes sont dédiés spécifiquement à des emplois d’au moins 12 heures par semaine ce qui ne correspond pas nécessairement à la réalité des étudiant-e-s employé-e-s. De plus, les procédures sont à l’initiative des personnes en situation de handicap et sont accompagnées de délais qui sont incompatibles avec les procédures d’ouverture de postes actuels. Finalement, vu la précarité des employé-e-s étudiant-e-s, entreprendre les démarches nécessaires peut aisément s’avérer trop coûteuse pour la personne concernée en regard du temps investit.
En théorie, il est vrai que les contrats de travail offerts aux étudiant-e-s n’incluent pas de précisions quant à la productivité attendue et demandent simplement l’exécution d’un certain nombre d’heures de travail. Toutefois, sans mesure d’adaptation, la personne ESH qui ne compenserait pas, à ses frais, pour ses capacités différenciées risquerait de subir une discrimination indirecte.
L’UQAM, par l’intermédiaire de sa commission des études, s’est engagée à se faire plus inclusive pour sa communauté étudiante. Il faut espérer que cette volonté d’inclusivité se transpose également dans ses relations comme employeuse avec cette même communauté.