Ceci est un article publié dans le Journal de la rentrée d’Automne 2019.
Alors que l’UQAM entend fêter depuis le mois d’avril 50 ans « d’audace » et de « démocratisation du savoir et de la culture », elle procède en même temps à la destruction d’un haut-lieu de son histoire : la salle Marie-Gérin-Lajoie. En démantelant cette salle de théâtre de plus de 700 places au profit d’un studio de cinéma réservé à l’École des médias, l’UQAM prive ainsi non seulement l’École de théâtre et ses étudiant·e·s d’un lieu majeur d’apprentissage, de travail et d’expression, mais elle supprime également à l’ensemble de la communauté uqamienne l’accès à un espace de spectacles, de rencontres et de débats.
Un démantèlement chaotique
Jusqu’au 1er mai 2019 – date officielle du démantèlement – l’École supérieure de théâtre (ÉST) disposait de trois salles pour assurer la formation pratique de ses élèves : le Studio-théâtre Alfred-Laliberté, le Studio-d’essai Claude-Gauvreau, et la salle Marie-Gérin-Lajoie. Cette dernière occupait une place centrale pour le programme de théâtre, permettant aux étudiant·e·s de répéter, de construire des décors, et de se produire devant une audience dans des conditions semblables à de nombreuses salles professionnelles, tout en constituant une importante source de revenus pour l’ÉST.
Les rares articles qui abordent la question évoquent une gestion chaotique de la part de l’UQAM, qui n’a pas su assurer la construction d’un studio de cinéma pour l’École des médias tout en respectant les besoins de l’École supérieure de théâtre. À ce jour, l’accès à une nouvelle salle de théâtre est toujours compromise, l’UQAM ayant renoncé à la rénovation du théâtre Berri – acquis un an plus tôt – dont l’état de délabrement nécessitait des coûts de rénovation trop importants. Au-delà des pertes financières générées par cette vaine acquisition, l’UQAM éveille ainsi des antagonismes entre ses divers programmes, sacrifiant la formation de certain·e·s étudiant·e·s au profit d’autres.
Un lieu central pour la vie uqamienne
En plus de compromettre la formation en théâtre assurée par l’ÉST, le démantèlement de la salle Marie-Gérin-Lajoie affecte de nombreux aspects de la vie uqamienne, à commencer par ses travailleuses et travailleurs. C’est ainsi une trentaine de postes – techniciens et techniciennes, placiers et placières, notamment – qui disparaissent avec le théâtre. La fermeture de cet espace risque en outre de fortement affecter le budget de l’ÉST, dont 70% des revenus sont générés par la location de la salle, et de ce fait, limiter sa capacité à offrir certains emplois étudiants. Selon des membres du SÉTUE, la baisse du nombre d’inscriptions au programme de théâtre aurait déjà affecté le nombre de charges de cours offertes ces trois dernières années.
Depuis plus de 40 ans, la salle Marie-Gérin-Lajoie constituait également pour la communauté de l’UQAM un espace disponible à la location pour toutes sortes d’évènements. En plus des représentations artistiques, elle a accueilli de nombreux colloques étudiants et assemblées générales d’associations, notamment durant le Printemps érable en 2012. En faisant disparaître cette salle, l’UQAM s’attaque donc directement à la mémoire d’un lieu marquant pour l’histoire de l’Université et du Québec, et prive ses membres d’un espace de rencontres et de débats futurs.
Poursuivre la lutte
Depuis l’annonce de la fermeture de la salle Marie-Gérin-Lajoie, des étudiant·e·s et professeur·e·s se sont organisé·e·s pour lutter. Des efforts importants ont été mis en place pour diffuser de l’information autour de ce démantèlement négocié dans l’ombre. À travers des articles de presse, des pamphlets et des affiches, la gestion désastreuse de l’UQAM ainsi que son manque de transparence et d’ouverture ont été dénoncés. Plusieurs associations et syndicats étudiants ont également été approchés afin de mettre en place des actions de solidarité. Lors de sa rencontre du 20 mars 2019, le comité de mobilisation du SÉTUE a adopté une proposition d’appui à l’École supérieure de théâtre, exigeant de l’UQAM qu’elle dote l’ÉST d’un lieu de remplacement pour la salle Marie-Gérin-Lajoie et offrant son soutien dans la diffusion et la production de matériel d’information et de mobilisation.
Si la mobilisation n’est pas parvenue à empêcher le démantèlement, il est important de continuer la lutte, afin que les étudiant·e·s du programme de théâtre, ainsi que les travailleuses et travailleurs qui y sont lié·e·s, puissent poursuivre leurs activités dans les meilleures conditions possibles. Le SÉTUE s’engage donc à poursuivre ses activités de réflexion et de mobilisation, en exigeant notamment de l’UQAM un échéancier clair et une plus grande transparence, et encourage ses membres, étudiant·e·s employé·e·s de l’ÉST et solidaires, à entrer en contact avec nous.
par Marie-Axelle Borde, responsable à la coordination générale