Ceci est un article publié dans le Journal de la rentrée d’Automne 2019.
Adoption de la Politique 16 : un résumé
À l’automne 2018, l’UQAM réalise que la composition du comité institutionnel (CI) travaillant depuis 2013 à la révision de la Politique 16 contre le harcèlement sexuel n’est pas conforme à la nouvelle loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur.
Ainsi, deux mois avant la date butoir de l’adoption de la politique, les membres du CI apprennent que leur comité de travail a été dissous pour être remplacé par un tout nouveau comité dit permanent (CP). Alors qu’une vingtaine de personnes siégeaient au CI, le nouveau CP est composé de seulement neuf personnes, dont deux dirigeants. Ce processus, mené de manière complètement antisyndicale, a pris de court les membres du CI, qui n’ont été informé·e·s de la dissolution de leur comité qu’après coup. Plus encore, la mise en place du nouveau comité s’est faite dans le mépris des pratiques qui tendent à rendre les instances de l’UQAM représentatives et démocratiques, puisqu’en plus de la désignation nominative par le CA de toutes les personnes membres du comité, les unités, syndicats et associations que ces personnes représentent n’ont jamais été avisés de ce changement de structure à l’exception du Syndicat des professeures et professeurs de l’Université du Québec à Montréal (SPUQ).
Malgré tout, dans le cadre de travaux astreints à la confidentialité, le CP entreprend de compléter la politique en tenant compte des avis ressortis de la consultation de la communauté uqamienne à l’été 2018 et de ce qu’il a hérité du CI.
Le 10 avril, convoqué·e·s en réunion spéciale, les membres du CA adoptent une version édulcorée de la Politique 16 sur recommandation du service des affaires juridiques de l’UQAM (SAJ). Comme le dénoncent nos déléguées étudiantes sur le CA dans leur rapport, l’expertise du CI et la proposition du CP se sont vues diminuées, voire discréditées, au profit de l’avis du SAJ au CA spécial du 10 avril. Entre autres choses, conformément aux recommandations du SAJ, la composition du Comité permanent de la Politique 16 passe de sept à trois postes de représentation étudiante alors que de leur côté, tous les syndicats perdent un droit de vote, passant de deux à un seul poste de représentation. Ce revirement, en plus de réduire drastiquement les voix étudiantes et syndicales au sein du Comité, constitue un affront choquant envers les pratiques démocratiques qui sont celles de tous les groupes étudiants ou syndiqués qui composent notre communauté. Cela nuit à notre combat pour des instances représentatives et pour une représentation redevable à la communauté.
Faire taire les revendications étudiantes
La composition actuelle du comité permanent est hautement problématique, ce que l’UQAM a choisi d’ignorer. En effet, le CP comprend dorénavant un·e représentant·e étudiant·e par cycle d’études, de même que deux personnes issues de groupes dits « à risque ». Cela complexifie la possibilité d’une représentation étudiante reflétant les besoins des associations étudiantes et assurant une reddition de comptes et une circulation de l’information efficace permettant de formuler des revendications à défendre au sein du CP.
De plus, bien que l’initiative puisse paraître louable à première vue, il semble pour le moins particulier de créer des postes spécifiques aux personnes dites « à risque » sans tenir compte de la signification, de la portée et de la composition sociologique d’une telle catégorie de personnes, ainsi que de l’absence de structure permettant de désigner ces personnes, nonobstant la qualification « à risque » qui est pour le moins stigmatisante. Plus encore, le comité DSG du SÉTUE a constaté, avec regret, le peu d’écoute et de proactivité de la part du Bureau d’intervention et de prévention en matière de harcèlement (BIPH) face aux recommandations formulées à sa demande au regard de pratiques qui se veulent plus inclusives sur le campus.
Enfin, certaines autres dispositions de la politique, telles que les délais déraisonnablement courts pour une demande de révision d’une décision de non-recevabilité ou de plainte jugée non fondée, portent atteinte aux personnes qui déposent des plaintes. Cela est d’autant plus vrai pour la population estudiantine, qui ne dispose pas des mêmes recours aux griefs que les personnes syndiquées.
Bref, l’adoption omnibus d’une Politique 16 qui ne correspond pas entièrement aux revendications du CI et du CP, de même qu’aux demandes quasi unanimes de la communauté uqamienne, laisse entendre que l’administration de l’UQAM est au mieux ignorante, au pire insouciante, face aux problématiques liées aux violences à caractère sexuel sur son campus, de même que de divers enjeux de représentation et de démocratie participative propres à la communauté uqamienne.
Se donner les moyens de ses ambitions
Face à cette sourde oreille administrative, nous nous souvenons que ce sont les luttes queer et féministes menées par des étudiant·e·s, des chargé·e·s de cours, des professeur·e·s et des employé·e·s de soutien depuis la fondation de l’UQAM qui ont contribué à de meilleures conditions de travail et d’étude pour l’ensemble de la communauté universitaire et participé à sensibiliser l’ensemble de la province à l’importance de lutter contre les violences à caractère sexuel. L’administration de l’UQAM a trop souvent privilégié son image au profit du bien-être des personnes survivantes.
Nous continuerons donc d’exiger sans relâche que toutes les ressources soient mises en place pour lutter efficacement et durablement contre le sexisme, l’hétéronormativité, la cisgenrenormativité et les violences à caractère sexuel en contexte universitaire, autant auprès de l’administration uqamienne qu’auprès du gouvernement provincial. Ce dernier doit, entre autres, s’assurer que suffisamment d’enquêtrices spécialisées en matière de harcèlement soient mobilisées pour répondre aux besoins dans tous les établissements d’enseignement supérieur de la province. La politique est adoptée, mais la lutte continue.
par Sarah Bérubé Thibault, Comité féministe et Claude G. Olivier, Comité diversité sexuelle et de genre (DSG)