Par Pierre-Guy Sylvestre
Un article du New York Times publié récemment rapportait que certains États américains souhaitaient assainir leurs finances publiques en gelant les salaires des travailleurs du secteur public et en limitant le pouvoir des syndicats. Par exemple, le gouverneur de l’État de New York souhaiterait geler les salaires des employés de l’État, ce qui permettrait des économies de 200 à 400 millions de dollars. D’autres réformes plus radicales pourraient aller de l’avant comme en Ohio, où le gouverneur voudrait interdire le recours aux grèves par les professeurs des écoles publiques.
Les réformes souhaitées par ces dirigeants américains ont de quoi surprendre, car la principale cause de la détérioration des finances publiques est ailleurs. On devrait plutôt regarder du côté de la sévère crise financière qui a mené à une crise économique importante pendant laquelle de nombreux travailleurs ont perdu leur emploi.
Rappelons que la croissance du PIB repose entre autres sur la consommation des ménages. Diminuer le pouvoir des syndicats afin de réduire les dépenses de l’État est un moyen soutenu par certaines théories économiques aujourd’hui remises en question. Il est clair que la consommation va diminuer si les salaires réels sont réduits. Aussi est-il étonnant que certains gouverneurs américains veuillent diminuer les salaires des travailleurs, ce qui pourrait nuire à la croissance économique.
Lors d’une allocution au Labor and Employment Relations Association (LERA), l’économiste Paul Krugman notait que le déclin du taux de syndicalisation aux États-Unis avait contribué à affaiblir la classe moyenne américaine. Selon lui, cette inégalité croissante serait due en grande partie à l’érosion des droits des travailleurs à choisir un syndicat et à négocier. Ce phénomène contribue à accentuer les écarts de richesse et nuit inévitablement à la croissance économique. Autrement dit, affaiblir le rôle de négociation des syndicats, c’est rendre la redistribution des richesses encore moins équitable.
L’économiste a également expliqué qu’un tiers de la différence entre l’inégalité des revenus aux États-Unis et au Canada (les écarts sont moins grands chez nous) s’expliquerait par le déclin rapide du taux de syndicalisation au sud de notre frontière. Les États-Unis auraient plutôt intérêt à lutter contre l’évasion fiscale, à réglementer le secteur de la finance afin d’éviter les dérapages qui ont mené à la crise économique et à donner les moyens aux travailleurs et aux ménages américains de consommer.
Il n’y a pas de corrélation entre taux de syndicalisation et déficit public, encore moins de lien de causalité. Par exemple, certains pays dans le monde ont des taux de syndicalisation supérieurs à 50% tout en ayant des ratios dette-PIB raisonnables.
Le problème des finances publiques de plusieurs pays ne se réglera pas en diminuant les salaires des travailleurs ou en supprimant les droits à la syndicalisation. Pour les États-Unis, les dirigeants devraient plutôt miser sur une meilleure réglementation du secteur financier et sur une réforme du système fiscal.
Les gouvernements du Canada et du Québec n’ont pas intérêt à imiter leurs homologues américains qui veulent diminuer le pouvoir des syndicats et les salaires réels des travailleurs de l’État. Cela aurait comme conséquence de nuire au développement social et économique et les finances publiques ne s’en porteront pas mieux.
Consulter l’article original publié le 11 janvier 2011 sur le site de Cyberpresse.