QUÉBEC – Le président de la FTQ, Michel Arsenault, n’a mis que quelques minutes à réagir, positivement, à l’adoption par la Commission jeunesse du PLQ d’une résolution demandant une réforme de la loi anti-scabs afin d’y inclure les nouvelles technologies qui permettent le travail à distance.
Les jeunes libéraux, réunis en congrès à Saint-Augustin-de-Desmaures, n’avaient pas fini d’applaudir l’adoption de leur résolution que le chef syndical réagissait dans un communiqué.
Michel Arsenault dit accueillir «favorablement la proposition des jeunes libéraux de moderniser les dispositions anti-briseurs de grève dans le Code du travail afin de les rendre compatibles avec les avancées technologiques».
Consciente de l’importance de cette initiative des jeunes libéraux, la FTQ avait délégué au congrès comme observateur le président du Comité des jeunes de la FTQ, Dominic Lemieux, qui, lui aussi, s’est réjoui de cette adoption. La CSN n’y avait cependant aucun représentant.
La résolution des jeunes libéraux, adoptée très majoritairement après un débat d’une trentaine de minutes, demande au gouvernement de Jean Charest de légiférer pour combler les carences de cette loi entrée en vigueur le 1er février 1978, lorsque Internet n’existait pas.
La «notion d’établissement» stipule actuellement que seul un travailleur pris à faire du travail de remplacement dans l’édifice d’une entreprise en conflit de travail est considéré comme un scab.
La FTQ et la direction du Journal de Québec s’affrontent actuellement en Cour d’appel après qu’un juge de la Cour supérieure du Québec eut cassé un jugement de la Commission des relations de travail qui avait élargi la notion d’établissement. Cette saga judiciaire dure depuis maintenant près de trois ans, dans la foulée du lock-out au Journal de Québec en 2007 et 2008.
La question intéresse au premier degré les lock-outés du Journal de Montréal, jetés à la rue le 24 janvier 2009. Le président du STIJM, Raynald Leblanc, a déclaré à maintes reprises que ce conflit aurait été autrement plus court si la loi anti-scabs avait été adaptée aux réalités du marché du travail d’aujourd’hui.
Plus tôt cette semaine, lors d’une conférence de presse, le président des jeunes libéraux avait conclu que la solution était politique et non judiciaire et qu’une loi pour réformer le Code du travail était nécessaire. Il y a là, dit Julien Gagnon, une question d’équité fondamentale.
«D’un strict point de vue d’égalité, la loi anti-scabs actuelle crée deux classes de travailleurs. Il y a ceux qui en bénéficient et ceux qui ne peuvent pas en raison de l’utilisation des nouvelles technologies. C’est injuste», dit-il.
Vendredi, le président de la Commission jeunesse du PLQ a indiqué que cette réforme de la loi anti-scabs faisait partie de nombreuses mesures auxquelles son gouvernement doit s’attaquer pour sortir la vie démocratique québécoise du cynisme ambiant.
Silence du gouvernement
Jusqu’à présent, le gouvernement de Jean Charest a refusé d’aborder ce dossier, que ce soit de près ou de loin. Lors de son bilan de la session parlementaire du printemps, en juin, le premier ministre avait écarté du revers de la main une question à ce propos. Il avait dit n’avoir jamais entendu parler d’un projet de réforme en ce sens avant de passer rapidement à une autre question.
Interrogé à ce propos samedi après l’adoption de la résolution des jeunes libéraux, le président de la FTQ a convenu que sa centrale n’avait jamais demandé publiquement et formellement une réforme de la loi anti-scabs. «Mais je peux vous dire que cette demande a été faite à plusieurs reprises à Sam Hamad lors de rencontres privées», soutient Michel Arsenault.
Celui-ci s’est dit «étonné mais ravi» de l’initiative des jeunes libéraux, qu’il a salués pour leur audace.
«Tout cela relève du gros bon sens. Lorsqu’on est passé du cheval à l’automobile sur les routes, on a réglementé la circulation en conséquence. C’est la même chose pour les nouvelles technologies. La situation actuelle est inacceptable. Il y a présentement deux poids deux mesures pour les travailleurs.»
Le président de la FTQ dit avoir hâte maintenant de rencontrer la nouvelle ministre du Travail, Lise Thériault, que Jean Charest a nommée à ce portefeuille mercredi lors de son remaniement ministériel.
«Nous sommes présentement en Cour d’appel sur cette question, et le débat pourrait se rendre jusqu’en Cour suprême, estime Michel Arsenault. Ça veut dire encore sans doute des années avant que la question soit vidée. Une intervention politique et législative réglerait le dossier en quelques mois.»
Il a été impossible samedi de joindre la présidente de la CSN pour recueillir sa réaction sur ce sujet.
Arsenault ne s’est pas gêné par ailleurs pour s’en prendre au critique du Parti québécois en matière de relations de travail, François Rebello. Il rappelle que la loi anti-scabs est une législation du Parti québécois du gouvernement de René Lévesque, qui avait un préjugé favorable envers les travailleurs.
«Aujourd’hui, Rebello se dit en faveur de regroupements régionaux pour les travailleurs de l’hôtellerie au lieu de favoriser un grand syndicat pour eux. Je trouve cela déplorable.»
Adoption d’une trentaine de propositions
Les jeunes libéraux ont adopté hier une trentaine de propositions pour, disent-ils, renouveler la vie démocratique du Québec et trouver des remèdes au cynisme des électeurs envers la vie politique.
Un important chapitre était consacré à la protection des journalistes, à qui les jeunes libéraux veulent donner une protection professionnelle pour leur permettre de pratiquer leur métier dans des conditions optimales. Il est demandé au gouvernement de renforcer les pouvoirs du Conseil de presse et d’attribuer un titre formel aux journalistes.
Les jeunes libéraux ont également adopté des propositions de réforme pour le financement des partis politiques, pour civiliser les débats à l’Assemblée nationale ainsi que pour un meilleur accès au système de justice.
Leur congrès se poursuit dimanche avec une plénière en matinée et l’allocution de clôture du premier ministre Jean Charest.
Consultez l’article intégral de Yves Chartrand de l’édition du 14 août 2010 de Rue Frontenac.