Corbo, candidat au rectorat
Depuis le début de la crise financière, la situation de l’UQAM n’a probablement jamais été aussi mauvaise. En septembre dernier, la ministre Courchesne et la rectrice par intérim de l’UQAM annonçaient avoir trouvé une piste de solution pour la crise financière qui ébranle cette institution. La première partie de la solution consiste à demander à deux firmes comptables, Price-Waterhouse-Coopers pour l’UQAM et Ernst & Young pour le réseau UQ, de faire le portrait de la situation et de proposer des solutions. Ces deux firmes font partie du Big Four, c’est-à-dire le cercle des 4 grandes firmes internationales qui contrôlent l’audit au niveau international. Ce cercle comprend aussi KPMG, qui a aussi été mêlée au dossier. La première partie de la solution consiste donc à demander aux gens qui couvrent les exploiteurs et les multinationales à travers le monde de trouver des solutions pour une université qu’on voudrait publique et au service des Québécoises et Québécois. Il n’y a pas de quoi se réjouir.
La deuxième partie de la solution consiste à attendre que trois sages, nommés par la ministre, tranchent et donnent la voie à suivre en fonction des recommandations faites par les barons internationaux de la finance. C’est la ministre qui nommera les sages, et on sait que son étalon de la sagesse n’est pas teinté par un rejet du néolibéralisme, ni par un refus de la marchandisation de l’éducation.
Pour ceux et celles qui demeuraient optimistes en se disant que l’administration de l’UQAM refuserait l’inacceptable, et que les membres de la communauté étaient à l’abri tant qu’elle résisterait, leurs espoirs viennent de frapper un mur. La course au rectorat s’annonce en effet des plus inquiétantes. Un seul candidat est en lice, Claude Corbo, et son programme fait frémir. En peu de mots, son plan d’action soutient que, même s’il reconnaît que la communauté a alerté l’opinion publique quant aux risques que représentaient les projets immobiliers, penser qu’elle n’en fera pas les frais relève de la pensée magique. Selon ce seul candidat, qu’on sait avoir des affinités avec le parti libéral, même si la Conférence des recteurs et principaux des universités du Québec (CRÉPUQ) a reconnu un sous-financement annuel de 375 millions, il ne sert à rien de vouloir cet argent, puisque toutes les universités en veulent aussi. La part de l’UQAM ne serait donc pas suffisante, ou devrait être prise à partir du budget des autres universités qui résisteront. Pire, comme la situation de l’UQAM laisse croire qu’il y a eu irresponsabilité financière, le gouvernement ne voudra pas payer un sou de plus pour ne pas donner l’impression de financer des irresponsables. Donc, la seule solution qu’il voit est de mettre de l’ordre dans la maison, et donc, de demander à tous les acteurs de l’université de faire leur part.
Dans sa magnanimité, M. Corbo ne compte toutefois pas amputer les acteurs de l’université sans leur consentement. Il invite donc tous les groupes à négocier de bonne foi pour qu’ils décident, en concertation avec l’administration, de quel membre ils seront amputé. Toutefois, sa gentillesse ne s’arrête pas là. Le recteur pressenti dit même comprendre la frustration de la communauté puisqu’elle avait questionné et réitéré les mises en garde par rapport aux projets immobiliers qui ont causé la crise. Devrions-nous le remercier pour ses sympathies ?
Reste donc le vote qui appuiera ou non, la candidature de Corbo au Rectorat. Il dit vouloir un mandat fort, en soutenant qu’un vote pour lui est un vote pour son plan d’action, et donc, un vote pour entamer les conventions collectives ou trancher celles qui sont actuellement en négociation. Voyant le récent rapport du Vérificateur général du Québec, il a toutefois ajouté un point à son plan d’action : obtenir du gouvernement qu’il assume l’impact financier du complexe des sciences.
La position du ministère et du seul candidat au rectorat est claire : faire payer à la communauté universitaire pour les impacts de projets qu’elle a dénoncés, en cachant le sous financement du réseau universitaire pourtant bien connu. Si les promesses de prise en charge de l’Îlot voyageur peuvent sembler encourageantes, en sera-t-il de même pour les impacts budgétaires déjà subis?
Un facteur demeure inconnu : qui est emprisonné dans la pensée magique ? Ceux et celles qui croient qu’un refinancement est nécessaire, sans quoi le redressement de la situation de l’UQAM ne se fera qu’au prix de baisses de conditions de travail et d’étude inacceptables, ou celui qui croit pouvoir obtenir un mandat fort pour faire payer à la communauté les risques qu’elle ne voulait pas prendre ? La consultation pour le recteur sera l’occasion de le savoir.