On apprenait cette semaine que l’École des sciences de la gestion de l’UQAM allait offrir à ses étudiants une demi-douzaine de cours en anglais dans l’espoir de doubler les inscriptions d’étudiants étrangers. Oui, l’anglais est partout dans le monde universitaire. C’est comme les jeans à la mode de l’année passée, tout le monde en a acheté.
Il y a des universités de langue anglaise à Beijing et à Mexico, et même en France on peut faire des études uniquement en anglais. À l’Université de Corée, 30 % des cours sont en anglais et on vise 50 % de cours en anglais pour l’an 2012. L’Université nationale de Gyeongsang a créé une «zone anglaise» qui compte une résidence étudiante où tous les employés, concierges, serveurs de la cafétéria, etc. sont des anglophones occidentaux. Il est interdit d’y parler le coréen. Avec ses six cours en anglais, l’UQAM ne rejoindra pas l’élite universitaire, bien au contraire. Elle devient simplement un autre Winners de l’éducation, une autre revendeuse de surplus d’inventaire et d’anglais au rabais comme les Philipines, la Malaisie et la Thaïlande, des concurrents qui peuvent le faire beaucoup mieux, et pour bien moins cher que le Québec.
L’UQAM veut s’ouvrir vers le monde, se préparer pour l’avenir et développer de nouveaux marchés d’étudiants étrangers? Il y a pourtant un immense et lucratif marché en plein développement: celui des étudiants anglophones qui veulent apprendre d’autres langues. En Angleterre, les jeunes diplômés et les gens d’affaires avisés s’inquiètent de plus en plus de leur désavantage stratégique dans un monde des affaires ou tout le monde parle anglais. Quand tout le monde parle anglais et français et allemand et mandarin, l’anglais ne procure plus aucun avantage stratégique.
En 2006, le président Georges W. Bush, qui n’est pourtant pas connu pour sa grande sensibilité culturelle, a lancé la National Security Language Initiative, un vaste programme ayant pour but la reconstruction complète de l’infrastructure d’enseignement des langues étrangères aux États-Unis. L’UQAM pourrait profiter de ces occasions et de cette demande émergente. Le Québec pourrait regarder vers l’avenir au lieu de vers le passé et se préparer pour l’espagnol, la véritable langue commune des Amériques et une langue qui prend de l’importance partout, même aux États-Unis. Déjà, au Brésil et dans les Caraïbes, plusieurs pays qui se positionnent pour un éventuel marché commun ont réduit la place de l’anglais dans leurs systèmes d’éducation et l’ont remplacé par l’espagnol. On ajoute un peu de portugais, et le Québec vient de s’imposer comme le centre intellectuel multilingue des Amériques. Ce n’est pas que l’anglais n’a pas d’utilité dans le monde académique et dans le monde des affaires, mais aux dernières nouvelles, il n’y a pas de pénurie d’anglais au Québec. Tenter de se distinguer en attirant une nouvelle clientèle uniquement avec de l’anglais? Tellement 1996…
Consultez cette lettre de l’édition des 4 et 5 septembre 2009 du Devoir.