Mathieu Melançon, responsable aux affaires externes et Laurence Meunier, déléguée syndicale
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La force de la solidarité
La vie d’un·e salariée, ses désirs et ses demandes, ne valent pas grand-chose aux oreilles des patron·ne·s, des riches et des puissant·e·s. C’est justement pour cela qu’ont été formés les syndicats : afin que des voix individuellement muettes deviennent ensemble impossibles à ignorer.
En déclarant qu’un tort qui serait fait à l’un·e serait fait à toutes et tous, les syndiqué·e·s ont construit un rapport de force. Plutôt que d’écraser ses salarié·e·s un·e à la suite de l’autre, les patrons se sont retrouvés seuls face à l’ensemble de leurs employé·e·s. Cette nouvelle donne a notamment mené à de grandes luttes dont nous profitons encore aujourd’hui des résultats (salaire minimum, jours fériés, congés payés, semaine de 40h, normes de santé et de sécurité au travail, assurance-emploi, etc.)
Chacun pour soi : le projet de société proposé
L’idéologie capitaliste a fait des ravages sur son passage dans les dernières décennies. Les mesures d’austérité se sont multipliées sans souci pour les besoins de financer tous les services à la population : la santé et les services sociaux, l’éducation, le milieu communautaire, etc. Bref, là où la rentabilité n’est pas la finalité, on coupe.
Or, ces désinvestissements massifs de l’État envers les services publics ont des conséquences majeures sur les conditions de vie et de travail des populations. Pour pallier ces manquements, le stress de la réussite repose maintenant plus que jamais sur les épaules des individus : la productivité n’a jamais été aussi haute, mais les salaires stagnent et sont rongés par l’inflation. L’avenir semble se résumer à travailler plus pour gagner moins. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant de voir une augmentation massive des épuisements professionnels et d’un pessimisme généralisé.
Travailler pour exister : voici le message que l’on tente de nous imposer. Pourtant, le travail est de plus en plus précaire et dénué de sens, les travailleuses et les travailleurs ne faisant souvent qu’exécuter des tâches inutiles pour un salaire de misère sans savoir de quoi sera fait demain. Lorsqu’une personne est sans emploi, on préférera l’accabler en blâmant son incompétence ou sa mauvaise foi plutôt qu’un système économique et idéologique oppressant et discriminant.
Oser lutter, c’est aussi oser vaincre
Nous devons prendre acte du fait que ce qui nous sépare est moins grand que ce qui nous unit. Il s’agit, sans nier les différentes oppressions intersectionnelles vécues, de s’unir contre toute inégalité dans une volonté de vivre dignement. Cela se fera alors en s’opposant à ceux et celles qui, dans leur arrogance, nous prêchent la frugalité et le sacrifice tout en vivant dans une indécente opulence. Le choix auquel nous faisons face est clair : perdre seul·e·s ou lutter ensemble.
Cette lutte, il s’agit aussi de comprendre qu’elle ne peut pas se mener dans le cadre strict des règles ayant été écrites par et pour les patron·ne·s, les riches et les puissant·e·s. Lorsqu’on remet en cause l’intérêt dominant, les jugements des cours de justice, les lois gouvernementales ou encore les matraques de la police seront toujours brandies contre nous. Les luttes victorieuses du passé ne se sont pas déroulées en demandant gentiment, mais bien en forçant le pouvoir à céder.
Il nous semble aussi nécessaire de passer à l’offensive. Les quarante dernières années nous auront appris que les luttes défensives, menées par un syndicalisme qui veut se présenter comme raisonnable, restent fondamentalement limitées. En effet, non seulement sommes-nous alors pris dans une situation où la meilleure option est un statu quo fort peu désirable, mais en sus il est difficile de faire émerger de ces luttes des revendications qui viendraient réellement régler les maux sociaux.
Le combat est possible
Alors que les crises sociales, politiques et écologiques se déploient partout dans le monde, la société moderne semble foncer tout droit dans un mur. La montée du racisme et de la xénophobie, l’augmentation du fossé séparant les riches et les pauvres, la surproduction de biens menant à la dégradation écologique… Que faire face à la fin de ce monde?
Partout, des millions de gens rejettent la prétendue immuabilité d’un système qui ne fonctionne que pour les puissant·e·s : que l’on pense aux mesures austères qui sont combattues en France avec les gilets jaunes, aux populations brésiliennes et états-uniennes qui s’unissent contre la haine et le fascisme ou encore aux frontières qui sont remises en question par les mouvements de migrant·e·s. Alors que l’on assiste à une accentuation des luttes partout dans le monde, il serait grand temps de se rassembler et de rompre avec notre inertie sociale et politique en embarquant activement dans la remise en question collective d’un système qui nous détruit.