Il existe une stratégie bien connue pour décrédibiliser un syndicat : lui faire porter les responsabilités d’une règle impopulaire …. Le comble de cette manœuvre, c’est quand en plus le syndicat en question combat cette règle ! Chronique d’une journée ordinaire à la permanence du SÉtuE …
Deuxième épisode : le 225 heures par session maximum, une clause patronale
Deuxième cas de la journée : Une personne étudiante employée a postulé et été acceptée pour plusieurs contrats d’auxiliaire de recherche et d’enseignement, pour un total de plus de 225 heures dans la session. Les Ressources humaines lui ont annulé le dernier contrat qu’elle a validé, sous prétexte que le SÉtuE s’oppose à ce que ses membres travaillent plus qu’une moyenne de 15 heures par semaine.
C’est faux, mais que cette rumeur est persistante ! La limite des 225 heures par session correspond à ce que l’on appelle en négociation de convention collective, une « demande patronale ». Plus précisément, c’est la CRÉPUQ (la Conférence des recteurs et principaux des Universités du Québec) qui impose cette règle aux universités. C’est pourquoi on la retrouve partout au Québec. Dans notre convention, elle est énoncée à l’article 7.01. Elle ne s’applique pas pendant la période estivale.
Lors des dernières négociations, il y a 4 ans, le SÉtuE n’a pas réussi à faire tomber cette exigence. Depuis, plusieurs syndicats d’étudiant-es employé-es se sont également attaqués à cette clause patronale : si aucun n’est pour l’instant parvenu à la faire tomber, plusieurs ont pu l’allonger à 255 heures (17 heures pas semaine) et plusieurs ont pu l’assouplir en mettant en place une procédure de « dépassement exceptionnel » du 225 heures, via une autorisation spéciale de la hiérarchie universitaire (doyen-ne ou direction de département par exemple). D’autres ont négocié de plus larges période d’exemption (pendant les congés de fin d’année notamment).
Pourquoi est-ce que presque tous les syndicats d’étudiant-es employé-es contestent cette clause ? C’est d’abord parce que ce chiffre de 15 heures est complètement arbitraire : il a été fixé par une étude à laquelle nous n’avons pas accès, et ne correspond aucunement à la réalité du travail étudiant. Dans les faits, une grande partie des étudiant-es travaillent bien plus que 15 heures par semaine, pour pouvoir joindre les deux bouts, particulièrement les plus précaires. Au lieu d’avoir accès à un travail universitaire correctement rémunéré, formateur et complémentaire aux études, les étudiant-es sont obligé-es soit de s’endetter, soit d’aller travailler ailleurs, bien souvent à des salaires inférieurs. Ce déclassement les amène à travailler davantage pour un même revenu, ce qui va totalement à l’encontre de l’argumentaire patronal qui souhaite « maximiser » le temps consacré aux études. Cela est d’autant plus vrai et dangereux dans un contexte de hausse perpétuelle des frais de scolarité et des frais afférents.
De plus, s’il y a bien une chose qui caractérise les études aux cycles supérieurs c’est la flexibilité des horaires, la diversité des situations vécues, et leur rapide variabilité. Les personnes les plus à même de gérer vie personnelle, études, famille et travail, ce sont bien évidemment les personnes étudiantes employées elles-mêmes ! En imposant cette limite arbitraire, la CRÉPUQ et l’UQAM font preuve d’un paternalisme consternant.
Enfin, le fait que cette limite soit calculée par session et non par année, n’a de sens qu’en ce qui concerne les contrats d’auxiliaire d’enseignement, basés sur la session universitaire. En revanche, les contrats d’auxiliaire de recherche ne répondent généralement pas à cette temporalité ! Si une limite devait absolument être posée, elle ne devrait pas certainement être « par session ».
Qu’en pensez-vous ?
Dans une toute autre perspective, on pourrait considérer que la limite du 225 heures a l’avantage de démocratiser l’accès aux emplois étudiants en évitant la concentration des contrats par un nombre limité de personnes privilégiées ou avec les « bons contacts ». Limiter l’accumulation de contrats permet alors de donner accès à un travail bien rémunérés à un plus grand nombre de personnes.
Mais est-ce vraiment en imposant une limite unique et arbitraire qu’on arrivera à multiplier l’accès aux emplois étudiant ? Ne serait-ce pas plutôt en s’organisant collectivement pour d’une part rendre l’embauche plus transparente et d’autre part multiplier le financement et l’offre des emplois étudiants ?
Qu’en pensez-vous ? C’est un enjeu important à discuter en vue de nos prochaines négociations !! Rendez-vous à la prochaine Assemblée générale du SÉtuE, le jeudi 11 avril, à 12h30, au N-M360 (lunch fourni).
La suite au prochain épisode de notre chronique de l’antisyndicalisme uqamien ordinaire..
(Retrouvez ici le premier épisode !)
Par Rémi Bellemare-Caron et Caroline Jacquet