Par Carl Robichaud, délégué syndical
Aujourd’hui, le syndicalisme est souvent remis en question. Face aux offensives des gouvernements et du patronat, les syndicats ont de la difficulté à défendre les acquis sociaux, sans parler de leur détermination à améliorer les conditions de vie des travailleurs et travailleuses. Afin de se sortir de cette fâcheuse situation, nous faisons le pari que les mouvements sociaux auraient tout à gagner en construisant un rapport de force basé sur la solidarité.
Un rapport de force essentiel
Les institutions puissantes que sont le patronat et le gouvernement n’ont que rarement besoin de considérer les demandes de leurs employé-e-s ou de leurs citoyen-ne-s. Pour que les doléances légitimes de la population puissent se concrétiser, il est donc nécessaire que celles et ceux qui revendiquent bâtissent un rapport de force vis-à-vis du pouvoir. Dans le cadre du syndicalisme, cette approche s’appuie sur une participation démocratique et active des membres de l’organisation, notamment par la détermination des orientations des luttes par la base, lors des assemblées générales et autres instances démocratiques. Afin d’atteindre ces objectifs, les mouvements sociaux doivent chercher à perturber la marche normale des affaires de ses adversaires, à les faire plier par les actions, les blocages et les grèves. La force de la population se trouvant dans le nombre, la solidarité est un élément central du syndicalisme de combat qui assure que le mouvement ne soit pas isolé. Afin de dégager un front populaire large pour nos luttes, il est donc essentiel d’avoir des revendications qui dépassent les intérêts corporatistes. Suivent deux exemples de luttes sociales qui ont fait le pari de la solidarité.
Grève des prof-e-s 2009
Durant la session d’hiver 2009, les professeur-e-s de l’UQAM ont fait la grève durant plus de six semaines. Deux enjeux majeurs étaient au centre du conflit: des augmentations salariales et l’embauche d’au moins 145 nouveaux et nouvelles collègues. En effet, la lutte ne visait pas seulement à améliorer les conditions des prof-e-s mais aussi de l’ensemble de la communauté uqamienne. Le SPUQ, syndicat des professeur-e-s de l’UQAM, souhaitait bonifier l’éducation à l’UQAM en forçant l’administration et le gouvernement à demander un réinvestissement dans l’enseignement. Ce faisant, les professeur-e-s ont obtenu l’appui de l’ensemble de la communauté uqamienne pour leur lutte.
Durant le conflit, le recours aux tribunaux par le patronat avait diminué les possibilités d’action des grévistes, les injonctions interdisant d’entraver les activités dans l’UQAM. Ce faisant, il devenait de plus en plus difficile de mettre de la pression sur l’administration uqamienne. De nombreuses associations étudiantes ont alors joint le mouvement de grève puisque celles-ci partageaient avec les professeur-e-s une vision commune de l’importance d’une éducation de qualité. Le déclenchement des grèves d’appui permit d’isoler les dirigeant-e-s de l’université et de mettre en lumière le caractère politique de la lutte du corps professoral. Avec la grève étudiante, les cours donnés par les chargé-e-s de cours furent aussi interrompus. Dès lors, l’administration se trouva forcée de chercher une issue au conflit. La fin de la grève fut marquée par l’acceptation des demandes syndicales, notamment l’embauche de 145 professeur-e-s, mesure qui s’inscrivait dans une augmentation de la qualité de l’éducation. Ainsi, la grève de 2009 a su mobiliser une partie importante de la communauté uqamienne puisque l’enjeu central trouvait un écho chez plusieurs.
Grève étudiante 2012
Si la grève étudiante de 2012 a tant marqué les esprits, c’est qu’elle fut combative et populeuse. En effet, le conflit dura plus de six mois et rassembla des dizaines de milliers d’individus. Au sein des organisations, le caractère démocratique et décisionnel des assemblées générales, où furent développés les plans d’action, ont permis à tous et toutes de faire partie du mouvement. Si la hausse des frais de scolarité fut l’élément déclencheur du combat, les revendications se sont modifiées rapidement pour englober la gratuité scolaire et même une critique de la société capitaliste québécoise et du gouvernement libéral. Cette approche a permis de transformer une grève étudiante en mouvement de société.
Cette vaste résonance de la lutte donna non seulement de l’endurance au mouvement, ce qui lui permit de perdurer durant plusieurs mois, mais aussi la force de perturber le cours normal des choses à un niveau rarement, si jamais, vu au Québec. La multiplication des occupations, des blocages, des manifestations et la montée en intensité de celles-ci ont permis au mouvement d’être une réelle force d’opposition et de forcer le gouvernement à négocier malgré sa réticence initiale. À plusieurs moments durant le conflit, de nouvelles solidarités ont émergés. En effet, des groupes comme Profs contre la hausse ou encore le mouvement des casseroles en réaction à la loi spéciale ont permis au mouvement de ne pas être isolé et d’augmenter son rapport de force.
Lorsque celles et ceux qui luttent réaliseront qu’illes combattent les mêmes adversaires, que derrière les séparations artificielles de corps de métiers, de statut ou d’affiliation, les mêmes intérêts les lient, alors et alors seulement nos rêves d’une société meilleure deviendront réalité.