L’antisyndicalisme ordinaire, c’est aussi de fermer les yeux sur une pratique courante mais illégale et de faire porter au syndicat le rôle de l’empêcheur de tourner en rond. C’est ce qui se passe avec les emplois d’auxiliaires de recherche financés par des bourses. Cette pratique, c’est en réalité du détournement de fonds et un système d’exploitation très bien rôdé.
Quatrième épisode : la rémunération par bourses, c’est illégal et très dangereux !
Se faire offrir une bourse pour faire un contrat de recherche, ça semble particulièrement alléchant à première vue ! Ça fait beau sur le CV, c’est des cotisations en moins à payer, et puis on connaît tous d’autres étudiant-es dans cette situation et pour qui ça se passe très bien, alors … pourquoi pas ?
Et pourquoi est-ce que le SÉtuE s’est battu pour l’interdire dans sa convention collective ? L’article 3.05 c) explicite en effet clairement que : « [e]n aucun cas, une bourse ne peut être un moyen d’offrir une rémunération à la personne étudiante pour des tâches et/ou des travaux effectués par les membres de l’unité de négociation. »
Bourse vs contrat, contrat vs bourse
Il faut commencer par distinguer deux choses : les bourses et les contrats comme auxiliaires de recherche. Une bourse a comme objectif premier de permettre à un-e étudiant-e de poursuivre ses études personnelles en l’aidant financièrement. Une bourse libère donc du travail.
Un contrat comme auxiliaire de recherche en revanche a comme objectif premier de faire travailler un-e étudiant-e sur les recherches d’une autre personne, un chercheur ou une chercheuse. Il s’agit d’un contrat de travail qui empiète sur le temps que nous pouvons consacrer à nos études personnelles. Même si le travail en question est relié à nos propres thèmes de recherches, nous libérons une autre personne de ce travail en le faisant à sa place. C’est pour cela qu’elle nous rémunère.
Il est donc clair que lorsqu’on se fait offrir une bourse pour faire un travail de recherche commandité, il s’agit de détournement d’argent qui devrait nous libérer du travail ! D’autant qu’un certain nombre de groupes de recherche doivent distribuer leur fonds de recherche avec un montant prédéterminé en bourse et un montant prédéterminé en contrat de travail.
Cercle vicieux de la précarité
Lorsqu’on se fait offrir une bourse pour faire un travail, cela nous est souvent présenté comme étant tout à notre avantage : comme il n’y aura pas de cotisations à prélever sur le salaire, nous pourrons avoir plus d’argent. C’est pourtant pour cela que c’est illégal et très dangereux: payer avec une bourse permet de frauder les cotisations à l’assurance-emploi, les cotisations de santé et sécurité, les cotisations aux régimes des rentes, les cotisations au régime d’assurance parentale, etc. Et cela permet aussi de lever toutes les protections que nous garantit la convention collective du SÉtuE. Lorsqu’on vous le présente comme un avantage, renvoyez-donc la question à votre employeur : accepterait-ille de travailler sans contrat d’emploi et sans protection sociale ?!
En offrant ces bourses, nos employeurs contribuent à banaliser une situation inacceptable et se rendent complices d’un système qui précarise les plus précaires d’entre nous : les femmes enceintes qui se retrouvent sans droit à l’assurance parentale puisqu’elles n’ont pas eu de contrat d’emploi (plusieurs par session viennent nous voir au SÉtuE parce qu’elles sont dans cette situation !), les personnes qui se blessent au travail (et si, ça existe à l’UQAM, notamment en sciences), les personnes qui auraient droit à l’assurance-chômage, les personnes qui sont intimidées pour travailler plus que le nombre d’heure pour lequel elles sont payées, etc.
En outre, en contournant toutes les protections légales de la convention collective, un tel système nous renvoie à nouveau dans l’arbitraire et la soumission à nos employeurs ! Tant mieux si « mon prof est cool », mais si celui du bureau d’à côté l’est moins avec ses employé-es ?
Et vous, vous en pensez quoi ?
Est-ce votre cas ? Est-ce que ce système est monnaie courante dans votre département ?
Et pour détendre l’atmosphère, un petit PhD Comics !
http://www.phdcomics.com/comics/archive.php?comicid=1308
Pour retrouver la première chronique, c’est ici !
Pour retrouver la deuxième chronique, c’est là !
Pour retrouver la troisième chronique, c’est ici !
Par Caroline Jacquet