Pourquoi s’opposer au palmarès des écoles secondaires

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Bien loin de favoriser une éducation de qualité pour tous et toutes, l’instauration de principes inspirés du privé comme ceux du palmarès, nuit au bon fonctionnement des écoles. Comme le souligne à juste titre M. Marc-André Deniger, chercheur associé et ex-directeur du Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire (CRIRES), ce classement démotive les professeur-e-s, stigmatise les élèves et culpabilise les parents des écoles qui se retrouvent au bas de la liste, où le secteur public est nettement plus représenté. [1]

De plus, une telle évaluation de rendements scolaires amène une vision tronquée de l’éducation. En prenant comme critère les notes des élèves, au lieu de prendre en compte l’ensemble de leurs conditions de vie réelles, on évalue l’école comme l’on évaluerait une business. Ainsi, la conception de l’éducation mise de l’avant par cette publication ne tient pas compte de tout ce qui a trait au développement de l’élève, au cheminement personnel et à l’épanouissement de celui-ci. L’ASSÉ dénonce vivement l’application de tels indicateurs de performance, à la manière du marché, qui remplacent les profits par les notes, le « capital humain » par les élèves et la marchandise par l’éducation.

L’influence du milieu et la dynamique entre le privé et le public

Par ailleurs, on remarque que les variables socio-économiques ont été complètement exclues de ce classement. On suppose donc que tous et toutes ont des chances égales de réussite et que le milieu de vie n’a pas de poids dans la balance.

Or, il va de soi que, dès lors que certaines écoles posent des barrières académiques et financières à l’entrée des élèves, la composition des populations scolaires change d’un quartier à l’autre. Entre une école publique et une école privée, on passe d’un établissement ayant pour mission d’intégrer des populations variées à un collège où on sélectionne les élèves sur la base de leurs résultats antérieurs et de leurs tests d’admission. Il serait alors plus juste de laisser les communautés scolaires locales décider par elles-mêmes de leurs besoins réels plutôt que d’imposer des standards qui répondent à l’idéologie de libre-marché, défendue par les deux instituts de recherche.

Par ailleurs, mentionnons que les ressources des écoles publiques et privées ne sont pas comparables, surtout lorsqu’on réalise que le privé est largement subventionné par l’État, en plus des frais de scolarité imposés aux élèves. Il devient ainsi difficile de cacher que ces palmarès sont des outils utilisés par la droite pour faire la promotion des écoles privées. L’école publique, puisqu’elle ne refuse pas d’élèves sur la base de leurs résultats scolaires ou de leurs revenus, se retrouve souvent derrière les écoles plus riches. Encore une fois, on favorise un système à deux vitesses en faisant intervenir la richesse, plutôt que de favoriser une éducation équitable pour toutes et tous. On véhicule ainsi l’idée qu’une éducation qui coûte cher est une éducation de qualité. Par le fait même, l’on reconnaît implicitement que l’éducation n’est pas un droit et qu’il est justifié de la rendre monnayable.

Méthodologie douteuse

D’un point de vue méthodologique, le portrait que nous propose le palmarès semble également très discutable. L’utilisation de la moyenne comme donnée statistique peut donner une idée faussée de la répartition des résultats. Des résultats très élevés ou très faibles, même en petite quantité, peuvent tirer vers le haut ou vers le bas la moyenne totale. De façon plus générale, l’utilisation unique de la moyenne, sans la mettre en relation avec d’autres données comme la médiane ou l’écart-type, ne donne pas un ordre de grandeur satisfaisant quant aux résultats évalués. D’ailleurs, pour être honnête, l’Institut Fraser ne devrait-il pas au moins mentionner la marge d’erreur de ses calculs ?

De plus, selon une étude de Jean-Guy Blais, professeur à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal, « une combinaison des résultats moyens aux épreuves du MEQ permettrait difficilement d’établir un lien de cause à effet entre les écoles et les résultats de l’élève. [2] » [3]. En tenant compte également du sexe et de l’âge pour le niveau de l’élève, du type de réseau et du nombre d’élèves présents et présentes à l’épreuve pour l’école, l’étude arrive à la conclusion que le niveau de l’élève contribue pour 83% aux résultats aux épreuves du Ministère. [4] Autrement dit, comment peut-on évaluer la performance des écoles selon ces résultats, alors qu’ils dépendent de la force de cohortes constamment changeantes ? Ne devrait-on pas conclure que les écoles qui ont la capacité de sélectionner leurs élèves, comme c’est le cas chez les écoles privées, auront inévitablement une longueur d’avance ? À cela s’ajoute le fait que, selon l’étude, la méthodologie défavorise le réseau d’éducation public :

La performance globale des élèves de 15 et 16 ans est nettement supérieure à la performance globale des élèves de 17 et 18 ans, pour toutes les années de 1994 à 2001. [Or], les écoles du réseau public dispensent une formation à un nombre d’élèves de 17 et 18 ans proportionnellement de beaucoup supérieur aux écoles du réseau privé. Cette situation entraîne à la baisse les moyennes des résultats à l’écrit pour l’ensemble du réseau public. [5]

Certes, l’Institut économique de Montréal tente de rendre son palmarès plus représentatif en offrant une analyse différenciée selon les revenus des parents et les conditions socio-économiques de la région analysée. De telles nuances n’éliminent en rien le caractère hiérarchique d’un tel palmarès, mettant au contraire plus en évidence les inégalités socio-économiques du Québec et leur impact sur une éducation de qualité. D’ailleurs, pourquoi l’Institut économique de Montréal avoue-t-il à l’occasion de son palmarès que la précarité défavorise la réussite scolaire, alors qu’en matière de frais de scolarité, il soutient que les tarifs n’ont aucune influence sur la fréquentation scolaire et favorisent l’excellence ?

À l’inverse de ces dérives managériales, l’ASSÉ réitère sa conviction : seul un système public, accessible, financé adéquatement et libre de toute ingérence du privé est à même de rendre justice à l’importance de l’éducation pour l’ensemble de la société.

Consultez l’article intégral du Comité à la recherche et aux affaires académiques et le Conseil exécutif de l’ASSÉ dans le contexte original.

[1] CSQ. Contre le palmarès des écoles, conférence de presse donnée le 21 octobre 2008, vidéo en ligne, [http://www.csq.qc.net/index.cfm/2,0,1676,9656,2323,0,html ?action= display&BoxID=14302&LangID=2&KindID=2&complete=yes], (ressource consultée le 23 octobre 2010).

[2] Maintenant appelé Ministère de l’Éducation, des Loisirs et du Sport du Québec (MELSQ).

[3] BLAIS, Jean-Guy. Résumé de l’« Étude des différences entre les écoles secondaires du Québec quant aux résultats de leurs élèves à certaines épreuves du ministère de l’Éducation de la fin du secondaire », pour le Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante (CRIFPE), Octobre 2003, p. 1.

[4] Ibid, p. 3.

[5] Ibid, p. 2.

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