Montréal, le 16 mai 2012. C’est avec en toile de fond un conflit social majeur que les élus de Montréal s’apprêtent à adopter, dans la précipitation et sans véritable débat, un projet de règlement qui donne aux policiers le pouvoir arbitraire de déterminer qui, quand, où et comment pourra s’exercer à Montréal le droit de manifester. La Ligue des droits et libertés, l’Association canadienne des libertés civiles et le Comité intersyndical du Montréal métropolitain sont profondément inquiets de la portée très large de ce règlement et du fait que sa mise en œuvre reposera essentiellement sur le pouvoir discrétionnaire des policiers qui auront à l’appliquer. Elles demandent aux élus montréalais de refuser d’adopter un règlement qu’elles jugent dangereux, attentatoire aux droits et libertés et potentiellement inconstitutionnel.
Le projet de règlement vise tout « assemblée, défilé ou attroupement ». Il oblige les organisateurs à indiquer la tenue de l’activité, son lieu et l’itinéraire le cas échéant. « On comprend, par l’utilisation du terme attroupement (trois personnes ou plus réunies dans un but commun, selon le Code criminel) qu’il vise plus spécifiquement, compte tenu du contexte actuel, toute activité visant à exprimer publiquement un point de vue : il pourrait s’agir simplement d’un point de rencontre pour distribuer un tract, d’une rencontre de groupe dans un parc, sans compter les formes plus typiques de manifestations, » s’inquiète Me Denis Barrette, avocat conseil de la Ligue des droits et libertés. Toutes ces activités ne pourront plus se tenir spontanément : le projet de règlement impose que le lieu et l’itinéraire soit communiqué au préalable au Service de police de la ville de Montréal. « Celui-ci aura le pouvoir, encore une fois arbitraire, d’ordonner un changement de lieu et d’itinéraire, ce qui est inacceptable, » évalue Me Barrette.
Dans le cadre d’une assemblée, d’un défilé ou d’un attroupement, le projet de règlement vise également à interdire d’avoir le visage couvert par un foulard, une cagoule ou un masque, sans motif raisonnable. On confie ainsi le pouvoir aux policiers d’interpeller, de façon arbitraire et sans avoir à se justifier, toute personne dont le visage sera couvert.
Ces personnes seront interpellées non pas sur la base de ce qu’elles font ou ont fait mais sur la base de ce qu’elles portent, ce qui ouvre la porte à des pratiques de profilage social, politique et racial. Et ceci vaut également pour la portion du règlement qui porte sur l’itinéraire. « Or, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a exhorté à plusieurs reprises les autorités de la Ville de Montréal, de prendre garde à la mise en application de règlements qui favorisent ces pratiques. Avec ce projet de règlement, les élus vont exactement dans le sens opposé de cette recommandation », conclut Dominique Peschard, président de la Ligue des droits et libertés.
Dans une lettre acheminée aujourd’hui aux membres du Conseil municipal de Montréal, l’Association canadienne des libertés civiles a dénoncé le projet de règlement, déclarant que celui-ci portait atteinte à la liberté d’expression ainsi qu’à la liberté d’association et de réunion pacifique. « Le projet de règlement a vraisemblablement une portée excessive par rapport aux objectifs qu’il cherche à atteindre», affirme Marie-Eve Sylvestre, membre du Conseil d’administration de l’ACLC et professeure à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa. « Le Code criminel interdit déjà le port du masque dans le but de commettre un acte criminel. Il n’est tout simplement pas nécessaire d’interdire toutes les manifestations spontanées ou le port du masque dans les défilés et les assemblées pacifiques pour assurer la sécurité et l’ordre public. »
Le Comité intersyndical du Montréal métropolitain (CIMM)* s’élève également contre l’adoption d’un tel projet de règlement. « Ce dernier a pour effet de mettre dans les mains de la police la légitimité de nos manifestations. Il arrive que nous ne souhaitions pas annoncer à l’avance une manifestation, car nous voulons poser un geste-surprise à l’intention des employeurs sans que ceux-ci puissent, par exemple, déplacer leur évènement. Tout comme il nous arrive de revêtir, toujours lors de manifestations, des costumes à l’effigie de certains politiciens. Nous pouvons aussi être amenés à nous couvrir d’un foulard sur la bouche pour dénoncer, par exemple, l’adoption de lois sous le bâillon », a affirmé Gaétan Châteauneuf, représentant du CIMM.
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Contact :
Ligue des droits et libertés – Marie-Josée Béliveau, 514-715-7727 (cell)
communications@liguedesdroits.ca
Association canadienne des libertés civiles – Marie-Eve Sylvestre, 613-297-2517 (cell) msylvest@uottawa.ca
* Le CIMM qui regroupe plus de 400 000 syndiqués est composé de :
Alliance des professeurs et professeurs de Montréal (APPM/FAE)
La Centrale des syndicats démocratiques (CSD/Montréal)
Conseil central de Montréal métropolitain CSN (CCMM-CSN)
Conseil régional FTQ Montréal métropolitain (CRMM/FTQ)
Le Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ/Montréal/Laval)
Syndicat de l’enseignement de Champlain (SEC/CSQ)
Le syndicat de l’enseignement de la région de Laval (SERL/FAE)
Le syndicat de l’enseignement de l’ouest de Montréal (SEOM/FAE)
Le syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ)
Le syndicat des professionnelles et professionnels du milieu de l’éducation de Montréal (SPPMEM/CSQ)