Les tutrices et les tuteurs de la TÉLUQ sont en grève illimitée depuis le 28 janvier 2019

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La lutte des tuteurs·trices et tutrices contre les dérives de l’Université TÉLUQ

La TÉLUQ effectue présentement une restructuration signifiant la fin de son modèle basé sur le suivi pédagogique individualisé des tuteurs·trices experts de la formation à distance. Depuis 2016, cette restructuration a provoqué la mise à pied de plusieurs de ces enseignant·e·s d’expérience, les tâches qu’ils effectuaient jusqu’ici ayant d’abord été transférées à des sous-traitant·e·s (Institut MATCI) puis à de nouveaux employé·e·s contractuel·el·s. Le Syndicat des tuteurs·trices et tutrices de la Télé-université – CSN (STTTU) lutte contre un dévoiement de la mission sociale de cette composante du réseau de l’Université du Québec (UQ), la précarisation des emplois et la diminution du service aux étudiant·e·s. C’est l’avenir même de la TÉLUQ qui pourrait être en jeu, à la suite de la mise de côté à la fois de la qualité de l’enseignement supérieur et des normes minimales de respect de ses employé·e·s. Cette situation a conduit les tuteurs·trices à la grève générale illimitée, effective depuis le 28 janvier dernier.

Les tuteurs·trices et tutrices de la TÉLUQ sont en grève illimitée depuis le 28 janvier
Les tuteurs·trices et tutrices de la TÉLUQ sont en grève illimitée depuis le 28 janvier

Qui sont les tuteurs·trices et tutrices ?

La TÉLUQ est une composante du réseau de l’UQ qui offre des programmes universitaires entièrement à distance. Les professeur·es développent d’abord les cours en ligne, aidés par un important service technopédagogique. Ensuite, les étudiant·e·s n’ont de contacts pédagogiques qu’avec les quelque 200 tuteurs·trices du réseau. Ce sont ainsi les tuteurs·trices qui font l’enseignement spécifique à la TÉLUQ depuis 45 ans, par un encadrement à distance individualisé, pour la vaste majorité des étudiant·e·s au 1er cycle.

Les quelque 200 tuteurs·trices ont développé une expertise particulière pour accompagner à distance les étudiant·e·s, inscrits en grande partie à temps partiel et de première génération universitaire, conciliant travail/famille/études. C’est une grande expertise qui se perd : les tuteurs·trices actuellement en poste, dont la moyenne d’âge est de plus de 50 ans, comptent environ 14 années d’ancienneté et ont encadré un total de plus de 500 000 étudiant·e·s/cours dans leur carrière. Non seulement sont-ils particulièrement expérimentés, mais ce sont des enseignant·e·s hautement qualifiés, la très vaste majorité détenant des maitrises ou doctorats.

La fin de la réorganisation par la sous-traitance : une victoire des tuteurs·trices

En septembre 2016, la TÉLUQ décide de sous-traiter l’enseignement de 4 programmes de langues à une entreprise privée, l’Institut MATCI, mettant abruptement à pied 20 % de leurs tuteurs·trices. Ce sont donc les employé·e·s d’un tiers qui sanctionnaient la réussite de ces étudiant·e·s, obtenant pourtant un diplôme de la TÉLUQ, faisant craindre pour la réputation de l’Université et la reconnaissance de ses diplômes. En 2017-18, c’était le tiers des étudiant·e·s de la TÉLUQ qui étaient ainsi encadré·e·s en sous-traitance.

Le 15 août 2018, le nouveau directeur général par intérim a mis fin à ce partenariat, un pas important vers la fin de la sous-traitance de l’encadrement à la TÉLUQ, après une lutte des tuteurs·trices de 2 ans !

La réorganisation par le remplacement des tuteurs·trices : l’enjeu actuel de la négociation

Après l’épisode de la sous-traitance, la TÉLUQ a poursuivi la mise au rancart de ses employé·e·s d’expérience par une réorganisation décidée derrière des portes closes, sans consultation avec les autres groupes de l’Université. La réorganisation est consacrée uniquement par la nouvelle convention du Syndicat des professeures et professeur·e·s de la Télé-université (SPPTU), signée en mai 2017. La direction a même refusé de discuter au CA et en Commission des études des impacts pédagogiques de cette remise en question du modèle d’encadrement. Les tuteurs·trices n’ont appris les importantes mises à pied que cela implique que par un article dans Le Soleil en septembre 2017 ! Cette réogarnisation passe par deux stratégies :

La création d’une première catégorie d’emploi inédite : les nouveaux employés contractuels

Première stratégie : la création d’une nouvelle catégorie d’emploi contractuelle dans la convention collective d’une autre unité d’accréditation. Ces « professeur·e·s sous contrat » sont distincts des professeur·e·s réguliers, qui ont toujours existé et qui s’occupent de recherche, du service à la collectivité et du développement des cours. C’est un nouveau poste qui s’apparente beaucoup plus à celui des tuteurs·trices, qu’ils remplacent sans égard à leur ancienneté, qu’à celui des professeur·e·s…

Ce sont des emplois précaires plutôt que des postes permanents comme les professeur·e·s. De plus, les critères de scolarité requis sont ceux des tuteurs·trices, soit une maîtrise, plutôt que ceux des professeur·e·s, pour lesquels un doctorat et des publications sont demandés.

La TÉLUQ transfère à ces nouvelles personnes embauchées le travail des tuteurs·trices qui se dévouent à leur institution depuis 10, 20 ou 30 ans simplement en leur donnant un autre titre : ces « professeur·e·s sous contrat » ont priorité sur les tuteurs·trices pour obtenir le travail d’encadrement. Ceci signifie une perte importante d’expertise en formation à distance.

Le service d’encadrement par les tuteurs·trices est balisé par leur convention collective, en termes de tâches, de suivi, de disponibilité et donc de temps d’encadrement individuel par étudiant. La TÉLUQ n’a pas intégré de telles obligations dans la convention du SPPTU, par exemple quant aux délais de réponse aux étudiant·e·s ou de correction. La TÉLUQ impose ainsi une réduction de la flexibilité du service aux étudiant·e·s. De plus, la TÉLUQ contourne la convention des tuteurs·trices pour les remplacer par de nouveaux enseignant·e·s à qui elle peut imposer une baisse du temps d’encadrement par étudiant.

Les étudiant·e·s paient donc les mêmes frais de scolarité pour un service différent, ne serait-ce qu’en terme de durée. Les étudiant·e·s sont évalué·e·s selon les mêmes critères, peu importe le temps d’encadrement qu’ils obtiennent pour les aider à progresser dans leur cours. La restructuration se fait donc au détriment des besoins de suivi pédagogique personnalisé des étudiant·e·s, si essentiel en formation à distance et d’autant plus pour la population étudiante particulière de la TÉLUQ. C’est la mission sociale même de la TÉLUQ quant à la démocratisation de l’enseignement supérieur qui est en jeu si ces étudiant·e·s conciliants travail-études-famille ne peuvent plus accéder à la flexibilité et à la disponibilité des tuteurs·trices.

La création d’une deuxième nouvelle catégorie d’emploi : les auxiliaires

Deuxième stratégie : le transfert à des contracuel·le·s. Plusieurs postes autrefois dévolus aux tuteurs·trices sont ainsi déjà transférés aux nouveaux et nouvelles contracuel·le·s selon la même formule, mais avec une réduction drastique du temps d’encadrement. De plus, la TÉLUQ transférerait aux professeur·e·s réguliers une partie du suivi des étudiant·e·s restants en introduisant un morcellement de la tâche d’encadrement inadaptée à l’enseignement à distance.

Les tuteurs·trices ont toujours demandé à ce que les professeur·e·s réguliers encadrent un certain nombre d’étudiant·e·s, pour pouvoir améliorer leurs cours et comprendre les défis auxquels font face les étudiant·e·s. Or, la TÉLUQ cherche à créer pour eux un « service de correction » en sous-traitant cette tâche importante et liée à l’encadrement dans le contexte particulier de la formation à distance de la TÉLUQ. Tout ceci a été décidé sans consulter celles et ceux qui ont été pendant 45 ans les intervenants auprès des étudiant·e·s. La création d’une catégorie d’emploi d’auxiliaire ferait perdre la rétroaction détaillée sur les travaux par un enseignant·e qualifié. À la TÉLUQ, c’est le seul moyen par lequel les étudiant·e·s peuvent être en contact avec un·e expert·e du domaine puisqu’il n’y a pas de prestation d’enseignement en ligne ou en classe. Avec le salaire qu’elle offre, la TÉLUQ ne pourra embaucher des gens détenant les qualifications des tuteurs·trices, soit généralement une maitrise et une expertise dans le domaine ou sur le terrain. Une deuxième attaque à la convention des tuteurs·trices, qui prévoit que cette tâche leur est réservée, à l’exception des professeur·e·s régulier·e·s, est toujours en contestation juridique.

Judiciarisation du conflit

Alors que ces questions sur les conséquences de la réorganisation sur le service aux étudiant·e·s demeurent sans réponse, la TÉLUQ prend la voie de l’intimidation juridique. Le syndicat a reçu en janvier 2018 une poursuite en diffamation à la Cour supérieure de 80 000 $ adressée à la FNEEQ, au Conseil central Québec–Chaudière-Appalaches et au STTTU. Cette poursuite leur reproche, entre autres, d’utiliser les termes « enseignant·e·s » et « mises à pied » pour décrire leur situation aux médias. Cette campagne d’intimidation juridique se poursuit même avec la nouvelle direction intérimaire, les montants réclamés ayant augmenté à la suite d’interventions publiques du syndicat. Le STTTU a dû déposer une demande reconventionnelle, alléguant qu’il s’agit là d’une poursuite-bâillon visant à empêcher le syndicat de participer au débat public sur les orientations de l’Université.

De plus, en avril 2019, le Tribunal administratif du travail a reconnu que la TÉLUQ a exercé des représailles pour activités syndicales envers la présidente du STTTU, à la suite de ses dénonciations sur la sous-traitance de l’encadrement. La TÉLUQ tentait de museler la porte-parole du syndicat, qui s’était vu retirer illégalement quatre de ses charges d’encadrement, un fait inusité au sein d’une institution universitaire.

Impasse à la négociation

Les négociations ont débuté en août 2017, en présence d’une conciliatrice du ministère du Travail. À la table de négociation en décembre puis en février, l’employeur proposait aux tuteurs·trices de leur conserver 25 % de l’encadrement, ce total n’incluant même pas les étudiant·e·s encadrés en sous-traitance.

Après plus d’un an de négociation et l’entrée en scène d’un nouveau directeur général par intérim, l’employeur a présenté, en octobre 2018, une offre à toute fin pratique identique à celle déposée en 2017. Les tuteurs·trices se sont doté·e·s en novembre 2018 d’un nouveau mandat de moyens de pression incluant la grève. Face à des ouvertures de la partie patronale, le syndicat en a suspendu le déclenchement. Or, après des retraits d’engagements et de nouvelles demandes de la part de l’employeur, les tuteurs·trices ont été contraint·e·s de déclencher la grève générale illimitée le 28 janvier 2019.

Seulement trois rencontres de négociation ont eu lieu depuis. Elles achoppent toutes sur les mêmes enjeux, le principal étant la préservation des emplois des tuteurs·trices. Le syndicat a démontré une grande ouverture, y compris sur la bonification des pratiques d’encadrement pour améliorer le service aux étudiant·e·s, alors qu’aucune augmentation salariale n’est demandée. La TÉLUQ doit redonner aux tuteurs·trices la place centrale qu’ils occupent dans l’institution depuis sa création en 1972. Alors que les négociations piétinent, ce sont 12 000 étudiant·e·s qui sont en attente pour obtenir un service d’encadrement de qualité et l’évaluation de la réussite de leurs cours alors que les inscriptions du trimestre d’été ont été réduites de 60 % par rapport à l’été dernier.

Cet article est une version abrégée et féminisées du texte du STTTU (le Syndicat des Tuteurs et Tutrices de la Télé-Université) publié ici : http://stttu.ca/wp-content/uploads/2018/07/STTTU_Dossier_de_presse_et_historique_31juillet2018.pdf

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