Le Journal des Alternatives : Projets de loi sur la gouvernance des universités et des cégeps : un nouvel emballage, une même imposture

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Dans la foulée du scandale financier de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), le gouvernement du Québec avait pondu à l’automne 2008 deux projets de loi sur la gouvernance des universités et des cégeps. Bien que ces derniers aient été laissés à l’abandon au printemps dernier, il ne fallut pas attendre longtemps pour que la ministre de l’Éducation, des Loisirs et des Sports revienne à la charge. Dès la mi-juin, Michèle Courchesne procédait au dépôt de deux nouveaux projets de loi (38 et 44) visant à modifier les structures décisionnelles de l’ensemble des institutions post-secondaires publiques du Québec. Reprenant dans leur quasi-intégralité la plupart des articles des défunts projets de loi 107 et 110, la formule reste essentiellement la même : intégrer davantage de pratiques et de structures propres à l’entreprise privée et augmenter le pouvoir décisionnel des milieux des affaires au sein des institutions d’enseignement.

Un projet idéologique
Si cette « réforme » est aujourd’hui mise de l’avant par le gouvernement, elle a d’abord été mise au monde par l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP), un organisme de recherche dont les publications proposent principalement aux organismes publics des réformes managériales à la sauce néolibérale. En septembre 2007, l’IGOPP publiait le rapport Toulouse, document faisant l’esquisse d’une réorganisation de la gouvernance des universités. Un an plus tard, les grands axes de ce rapport étaient intégrés aux projets de loi de la ministre, qui les appliquaient également aux institutions collégiales.

Une réforme au nom de la vertu
S’inscrivant dans le processus d’implantation d’un nouveau management public, qui reprend à la Banque mondiale le principe de bonne gouvernance , ces nouveaux projets de loi auraient pour but d’apporter des améliorations majeures en ce qui a trait à la transparence, à l’efficacité et à l’imputabilité des administrations universitaires et collégiales, tant vis-à-vis du gouvernement que des populations « desservies ». Dans cette optique, c’est la composition des instances, le processus de nomination des membres, les fonctions des conseils d’administration (CA) et la reddition de comptes qui sont ciblés dans les modifications proposées.

Ainsi, si ces projets de loi étaient adoptés, les institutions devraient désormais réserver un minimum de 60% des sièges du CA à des membres externes, la plupart du temps des gestionnaires privés étrangers au milieu de l’éducation. Ces derniers auraient également la possibilité d’être nommés à titre de recteur. Pour leur part, les communautés collégiales et universitaires se verraient restreintes dans leur droit de participer à la prise de décision de leurs établissements respectifs, vu la réduction de la place accordée aux membres internes (personnel enseignant, chargé-e-s de cours, étudiantes et étudiants, personnel de soutien, personnel de recherche, professionnel-le-s).

L’adoption de ces projets de loi mènerait également à la création de nouveaux sous-comités du CA composés des membres externes et d’un maximum d’un seul membre interne. Le pouvoir décisionnel en matière de gouvernance, d’éthique, de gestion des ressources humaines et de vérification des décisions de la direction serait donc pratiquement retiré aux communautés collégiales et universitaires. Enfin, ces projets de loi imposeraient aux institutions d’enseignement de rendre constamment des comptes au gouvernement, forme de mise en tutelle grugeant davantage l’autonomie institutionnelle dont jouit historiquement l’université pour remplir sa mission éducative.

Des voix se lèvent
De paire avec la quasi totalité des associations et syndicats du monde de l’éducation, l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ) s’oppose fermement aux projets de loi 38 et 44. Elle avance que ces derniers viennent renforcer l’ingérence d’intérêts étrangers aux missions d’éducation des institutions d’enseignement en mettant en place en leur sein un mode de gestion privée qui servira strictement la logique marchande. Selon l’association nationale, pour s’assurer d’une saine gestion, le gouvernement devrait au contraire favoriser une réappropriation de ces instances par les communautés collégiales et universitaires, les premières à avoir réellement à cœur leur bien-être académique et financier. Il devrait également centrer son action sur un réinvestissement massif dans les institutions scolaires pour pallier leur sous-financement chronique.

Que faire ?
Des audiences publiques sur les projets de loi 38 et 44 sont tenues à partir du 1er septembre. Vous pouvez vous informer auprès de votre association étudiante ou de votre syndicat des différentes actions qui seront organisées dans ce cadre pour la préservation de structures et pratiques propres aux institutions d’enseignement et pour la défense de l’autogestion par les communautés collégiales et universitaires.

P.-S.
La “bonne gouvernance” est à l’origine un programme composé d’un ensemble de dispositifs administratifs et managériaux imposés aux États du Tiers monde par les bailleurs de fonds internationaux (FMI, Banque mondiale, etc.). Elle vise le transfert du pouvoir des institutions publiques vers des instances créées sur mesure pour prendre en charge des services publics et la planification du développement, dans une optique de performance, d’imputabilité et de transparence. Les structures de ces instances sont généralement calquées sur le modèle des corporations privées et ont pour effet de retirer un potentiel de pouvoir politique réel des collectivités sur les services auxquels ils ont droit, laissant le champ libre aux entreprises privées.

Consultez l’article intégral de Étienne Simard et David Clément de l’édition du 23 septembre 2009 du Journal des Alternatives.

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