La réaction du Conseil du patronat à la proposition des jeunes libéraux sur les dispositions antibriseurs de grève est non seulement disproportionnée, mais elle a surtout pour effet de pervertir la nature même de la proposition.
Le débat public ne porte pas sur la pertinence d’ajouter au code québécois du travail des dispositions antibriseurs de grève, elles existent depuis 1977 et peu de monde souhaite un retour en arrière qui nous ramènerait aux lois de la jungle!
La Commission jeunesse propose simplement de moderniser le Code du travail pour s’assurer qu’aucun employeur ne puisse échapper à l’esprit de la loi et éviter par exemple qu’un travailleur en grève ou en lock-out puisse être remplacé par un autre simplement parce que les nouvelles technologies ont changé la façon de travailler. C’est une question de justice. Justice pour les travailleurs, mais aussi pour les employeurs qui doivent être traités également par la loi.
Les dispositions antibriseurs de grève ont pour premier objectif de préserver un certain équilibre entre les forces en présence. Ça frise la mauvaise foi que de prétendre que cet équilibre est rompu du seul fait qu’un gréviste ou un lock-outé puisse travailler durant un conflit de travail.
Tout le Québec sait que si cette idée de moderniser les dispositions antibriseurs de grève refait surface, ce n’est pas parce qu’un gréviste livre de la pizza le samedi soir pour payer les fournitures scolaires de ses enfants, mais bien parce que Quebecor gère ses relations de travail à coup de lock-out qui n’en finissent plus: 19 mois au Journal de Montréal, plus de 14 mois au Journal de Québec pour ne nommer que ceux-là. Comme déséquilibre et pratique abusive, il est difficile de faire mieux: jeter 253 familles à la rue, laisser filer le temps et continuer de produire comme si de rien n’était!
On aurait pu souhaiter le même empressement de la part du Conseil du patronat pour mettre un terme à ces conflits que ce fut le cas dans le dossier du Port de Montréal. Il y a manifestement deux poids, deux mesures qu’on ne doit pas taire.
Plutôt que de crier aux loups, le patronat aurait intérêt à se remémorer que dans la grande majorité des pays de l’OCDE, le lock-out est non seulement une pratique interdite, mais il est perçu comme inacceptable parce que contraire au droit fondamental d’association et de négociation.
Prétendre que le code québécois du travail constitue une attaque en règle contre la compétitivité de notre économie ne tient pas la route?! Une meilleure répartition de la richesse, des services publics qui assurent une meilleure égalité des chances sont parmi les facteurs qui ont permis au Québec de mieux se tirer de la crise que ses voisins canadiens et américains. Pourquoi remettre en question une formule gagnante??
La crise nous apprend aussi que l’économie de demain devra compter sur la force de la demande des ménages. Dans une petite société comme le Québec, le pouvoir d’achat des travailleurs constitue un atout irremplaçable pour notre économie. Or, la syndicalisation et le droit fondamental à la négociation collective permettent justement de mieux répartir la richesse.
Les dispositions antibriseurs de grève doivent être modernisées tant pour des raisons d’équité sociale, de paix industrielle que de développement économique.
Nous pressons le gouvernement d’agir avec célérité pour le bien commun et la modernité.
Michel Arsenault, président de la FTQ; Claudette Carbonneau, présidente de la CSN; Réjean Parent, président de la CSQ; et François Vaudreuil, président de la CSD.
La Presse
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