Ce qui n’est à la base qu’une refonte de l’organigramme décisionnel des universités québécoises, modifiant d’abord et avant tout la forme du conseil d’administration des établissement, est accusé par plusieurs groupes étudiants d’être une charge contre l’indépendance universitaire. Les différentes associations ont ainsi préparé leurs armes, en disséquant des aspects différents de la loi. Les uns s’attaquent donc aux fondements politiques de la loi, alors que d’autres ont plus à redire au sujet de l’organisation des CA en tant que telle.
Dans son format actuel, la Loi 38 propose la mise en place, dans chaque établissement, d’un conseil d’administration régi par des normes gouvernementales. Celles-ci demandent qu’au moins 60% des membres du conseil (composé de 13 à 25 membres) soient dits indépendants («sans relations ou intérêts […] susceptibles de nuire à la qualité de ses décisions eu égard aux intérêts de l’établissement», dixit le projet de loi) de la communauté universitaire, qui doit composer au moins 25% du conseil. En plus de définir les conditions du mandat des administrateurs (trois ans, deux pour les étudiants), le projet de loi prévoit l’instauration de comités chargés de gouvernance et d’éthique, de vérification financière et de ressources humaines. De plus, il est prévu d’adopter de nouvelles règles de publication de données de fonctionnement des universités, de manière à déposer à l’Assemblée nationale un rapport triennal sur la performance du réseau universitaire.
CADEUL : «Inefficace, Opaque, Inefficiente»
Ainsi, la Confédération des associations d’étudiants et étudiantes de l’Université Laval (CADEUL) faisait savoir, par le biais d’un mémoire déposé à la Commission de l’éducation, qu’elle considère les mécanismes de la Loi 38 comme étant à l’opposé de ses objectifs d’efficacité, de transparence et d’efficience. Dans le document, subdivisé pour répondre point par point à ces trois orientations gouvernementales, on retrouve aussi une critique méthodologique du rapport Toulouse sur lequel sont basées les initiatives législatives.
«À partir du moment où ce sont les administrateurs externes d’une université qui établissent les orientations stratégiques de l’établissement, comment peut-on espérer établir des orientations qui sont en harmonie avec la mission de l’université, si l’on retire des conseils d’administration les membres internes […] ?» s’interrogent les auteurs du mémoire.
AELIES : «Mieux servis par ses membres»
Un son de cloche similaire se fait entendre du côté de l’Association des étudiantes et étudiants de Laval inscrits aux études supérieures (AELIES), qui défend pour sa part l’idée qu’au moins deux tiers des membres des conseils d’administration universitaires devraient être considérés comme «internes». De plus, l’association des cycles supérieurs soutient que l’organisation actuelle des CA est adéquate : «Le respect du principe de collégialité, l’application de mesures de transparence […] et l’instauration de processus de reddition de compte sont les véritables garants de l’imputabilité et des principes de gouvernance.»
TaCEQ : «Mal non nécessaire»
La toute nouvelle Table de concertation étudiante du Québec, réunissant les deux associations mentionnées plus haut, se targue quant à elle d’offrir une critique plus systémique du projet de loi. Ainsi les co-auteurs du rapport, Olivier Jégou et Philippe Verreault-Julien, critiquent le modèle «managérial» promu par le gouvernement sous la forme des conseils d’administrations à forte composante externe. «Le modèle organisationnel suggéré dans le projet de loi est-il à la fois valable pour les entreprises privées, les sociétés d’État, les universités et, conséquemment, les services publics? La réponse à cette question tend vers la négative.»
ASSÉ : «Nous n’avons pas besoin du privé!»
L’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ), représentée sur le campus par l’association des étudiants en anthropologie, prend aussi part au débat, en décrivant le projet de loi comme «rien de moins qu’un recul de plus de 40 ans». Avec une approche plus militante, la fédération dénonce le projet en le comparant à une solution semblable aux causes du problème : «[En] plus du sous-financement étatique actuel, l’idéologie marchande habituellement promue par les membres externes facilite souvent la priorisation des intérêts purement économiques, laissant ainsi de côté la mission de développement et de transmission des connaissances, qui devrait pourtant être un principe central dans la gestion des cégeps et des universités.»
Débats à l’automne
Le dépôt des mémoires effectué, il ne reste pour les représentants étudiants qu’à attendre le début de la session parlementaire : le projet de loi 38 sera l’un des sujets principaux dont on discutera autour de la table de la Commission parlementaire sur l’éducation, dont le retour est prévu pour le 1er septembre. Notons-y, en passant, la présence à titre de député de Charlesbourg, de l’ancien recteur de l’Université Laval Michel Pigeon.
Consultez l’article intégral de François M. Gagnon de l’édition du 25 août 2009 de Impact Campus.